Se lancer pas à pas pour la dépose de matériaux (chantier de déconstruction)

Étape 1 : Réalisation d’un Diagnostic Produits, Équipements, Matériaux, Déchets (PEMD)

Remplaçant du diagnostic Déchet à partir de janvier 2022, le diagnostic PEMD est imposé par la loi pour certains projets (décret n° 2021/821 du 25 juin 2021). Il est toutefois préconisé de le faire systématiquement et ce quelque soit la surface de votre projet, l’usage de vos bâtiments et les travaux envisagés. Ce diagnostic doit être effectué à la suite et en complément des diagnostics énergétique, amiante et plomb.

  • Il permet de connaître le potentiel de valorisation des ressources du projet, selon la hiérarchie des modes de traitement (réemploi > réutilisation > recyclage)

  • Il doit être effectuée par des personnes compétentes dans le domaine des techniques du bâtiment, de l’économie de la construction et de la gestion des déchets du bâtiment

  • Il doit mentionner les types et quantités de ressources, leurs caractéristiques et les filières existantes de valorisation

  • Il peut nécessiter des expertise spécifiques sur des éléments particuliers

  • Il peut nécessiter la réalisation de dépose témoin afin de valider la faisabilité technique et économique du projet

Exemple de clauses

Généralités

Dans le cadre d’une « conception réalisation » dont l’attribution est en cours, des travaux de réhabilitation et de requalification durable de 180 logements (répartis sur 7 bâtiments), l’entreprise devra réaliser « un diagnostic portant sur la gestion des produits, équipements, matériaux et des déchets issus de la démolition ou de la rénovation significative de bâtiments » selon décret n° 2021/821 du 25 juin 2021. Le diagnostic devra être remis au plus tard lors du démarrage des prestations d’études de conception soit en XX XXXX.

Critères d’attribution des offres

Critère n°1 - Prix (40 points)

Critère n°2 - Valeur technique (60 points) :

  • Délai d’exécution de la mission jusqu’à la remise des livrables (25 points)

  • Note méthodologique : méthode, déroulement de la mission, gestion de l’information clients (20 points)

  • Deux références similaires ou portant sur la réalisation de diagnostics déchets et/ou ressources (15 points)

Preuve de compétences acceptées :

voir le décret n° 2021/821 du 25 juin 2021

Frédéric Adam - Le Plateau Circulaire - Grentheville
Que doit contenir un diagnostic pour que les matériaux identifiés soient réemployés ?

L’objectif général du diagnostic PEMD est de mettre en avant le réemploi comme filière de valorisation alors que l’ancien diagnostic déchets ne parlait que des filières classiques (recyclage, valorisation énergétique). Il est donc essentiel de pouvoir distinguer dans le diagnostic les matériaux et équipements qui sont en bon état et qui peuvent avoir une seconde vie. Cela nécessite une approche plus fine et détaillée, là où l’ancien diagnostic déchets pouvait se contenter d’identifier les modes constructifs et de quantifier globalement les volumes de déchets produits. Ensuite, il faut être conscient que le diagnostic PEMD est la première étape de la filière réemploi et que sa qualité va grandement conditionner la suite des opérations. Pour aller vers l’opérationnel, le diagnostic doit intégrer et anticiper les problématiques terrain du réemploi et répondre aux questions suivantes :

  • Le matériaux est-il en bon état ?

  • Quelles sont ces caractéristiques techniques, ses dimensions ?

  • Le matériau est-il facilement démontable ?

  • Quelles méthodes de déconstruction doivent être employées pour conserver ses qualités ?

  • Comment le matériau doit-il être conditionné et protégé pendant le transport ?

  • Le matériau nécessite-t-il une remise en état avant d’être intégré dans un nouveau bâtiment ? Si oui, quelles sont les filières locales capables de le traiter ?

Enfin, tout comme le diagnostic déchet estimait les coûts liés à la gestion et à la valorisation des déchets, un estimatif du coût des différentes opérations nécessaires au réemploi des matériaux devra compléter le diagnostic.

Étape 2 : Consultation des entreprises de curage

Il s’agit ici de traduire les résultats du diagnostic PEMD (effectué précédemment) en objectifs de réemploi pour le curage.

  • Les clauses de déconstruction doivent permettre d’exiger des engagements de moyens et de résultats sur des objectifs chiffrés.

  • L’objectif en masse peut être global et/ou spécifique pour chaque type de produits, équipements, matériaux et déchets.

  • Les engagements de moyens doivent concerner la dépose soignée et préservante des éléments à réemployer, leur conditionnement, leur stockage et la traçabilité.

Deux cas de figures :

Cas n°1 : Plusieurs postes de réemploi dans le marché global de déconstruction. La pratique courante est d’intégrer tous les actes de réemploi dans les différents postes des cahiers des charges. C’est l’option la plus facile à gérer, et aussi la plus pertinente, lorsque ces travaux sont de faible importance. En effet, cela ne nécessite que quelques adaptations dans les contenus des articles des CCTP.

Cas n°2 : Un lot réemploi. Lorsque le réemploi est au cœur du projet, il peut s’avérer judicieux de créer un lot spécifique de déconstruction soignée en vue du réemploi avec ses propres documents d’exécution.

Exemple de clauses

Généralités

Dans le cadre des travaux de déconstruction réalisés, il est demandé à l’entreprise de limiter la production de déchets ou à minima d’en assurer une meilleure valorisation possible. Dans le cadre de sa réponse à l’appel d’offre, l’entreprise précisera les moyens qu’elle met en œuvre pour le réemploi, la réutilisation et le recyclage des produits, des équipements, des matériaux et des déchets.

Engagements de résultats

  • 90% des produits, équipements, matériaux et déchets en masse devront être triés à la source et évacués selon les filières spécifiques identifiées au diagnostic PEMD annexé au présent cahier des charges.

  • 70% des équipements sanitaires devront être déposés soigneusement (méthodes préservantes) et évacués dans la filière réemploi identifiée au diagnostic.

  • 90% des radiateurs devront être déposés soigneusement (méthodes préservantes) et évacués dans la filière réemploi identifiée au diagnostic.

etc.

Engagements de moyens logistiques

L’entreprise s’engagera à mettre en œuvre un ensemble de moyens permettant la dépose soignée des éléments à réemployer et le tri à la source des matières à réutiliser, recycler selon les objectifs chiffrés visés

Ces moyens comportent notamment :

  • les moyens mis en œuvre pour le tri à la source

  • les moyens mis en œuvre pour la dépose soignée (préservation des éléments devant être évacuées en filière réemploi),

  • les moyens mis en œuvre pour le conditionnement des éléments à réemployer (cerclage, protection, transport)

  • les moyens mis en œuvre pour le stockage sécurisé des éléments à réemployer en attente d’enlèvement par le transporteur (zone sécurisée sur chantier, pièces ou partie du bâtiment…)

  • les moyens mis en œuvre pour assurer la traçabilité des éléments réemployés (code barre, rfid, nfc…)

Clauses sociales

Pour ce type de prestations spécifiques, pensez à vous appuyer sur les structures de l'Économie Sociale et Solidaire (EA/ESAT/EI/AI/CI/ETTI...). Juridiquement, les articles ci-dessous vous permettent de réserver des marchés ou des lots spécifiques à ces structures dont le champ d’intervention est souvent lié à un territoire restreint : Articles L2113-12,13, 14, 15 et 16 et Article R2113-7 des Ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 et Décret n° 2018-1075 du 3 décembre 2018 portant sur les parties législatives (L) et réglementaire (R) du code de la commande publique.

Dépose sélective d'ardoises à Condé en Normandie - chantier Inolya, curage par Le Wip

Photo @Le Wip

Dépose d'une isolation à Sotteville-lès-Rouen - chantier Foyer Toit Familial, curage par Les Bâtineurs

Photo @CRBN

Dépose sélective de parquet bois à Condé en Normandie, chantier Inolya, curage par Le Wip

Photo @Le Wip

Étape 3 : Désignation d’une entreprise de curage

Il s’agit ici de s’assurer que la démarche est comprise par l’entreprise de curage et que les moyens proposés sont adéquats vis-à-vis des exigences et objectifs chiffrées :

  • Les méthodes de dépose, de conditionnement et de stockage doivent être précisées éléments par éléments.

  • La zone de stockage des éléments à réemployer doit figurer sur le plan d’installation du chantier. Tout comme la zone déchets ou autres équipements nécessaires à la bonne tenue du chantier.

  • Une communication et un affichage des consignes de dépose, conditionnement et stockage doit être prévu (notamment pour faire face au potentiel turn-over des opérateurs)

  • Les filières de reprise doivent être identifiées (situation géographique, flux et mode de reprise, taux de valorisation)

Affichage de consignes de dépose à Lisieux - chantier Inolya, curage par Le Wip

Photo @Le Wip

Zone de stockage de réemploi à Lisieux - chantier Inolya, curage par Le Wip

Photo @CRBN

Étape 4 : Suivi d’exécution

Il s’agit ici de veiller à ce que les matériaux soient déposés et conditionnés proprement puis envoyés vers les filières de réemploi.

  • Un contrôle qualité des processus de dépose, conditionnement et stockage est indispensable à la préservation des éléments à réemployer

  • Un contrôle qualité doit être effectué à chaque étape : dépose > conditionnement > stockage

  • En cas de difficulté, les méthodes de dépose, de conditionnement et de stockage peuvent être adaptées en accord avec l’ensemble des parties prenantes

  • En cas de défaillance, les pénalités prévues doivent être appliquées

  • Une communication régulière doit être effectuée sur les objectifs et consignes (les opérateurs doivent comprendre le pourquoi de leur tâches pour s’impliquer à la hauteur des objectifs fixés)

David Groix - Les Bâtineurs - Saint-Etienne-du-Rouvray
Quelle est la part de réemploi dans un curage, et quelles sont les contraintes par rapport à un simple tri à la source ?

Chaque opération est spécifique et la part de réemploi dépend grandement des repreneurs. Notre travail consiste aujourd’hui justement à développer cet écosystème pour démontrer la faisabilité et ainsi participer à l’émergence du marché de la seconde main des produits et matériaux du bâtiment. Jusqu’à présent, la part réemployable dépasse rarement 10% en poids du gisement en présence sur nos chantiers. Cela met en lumière la nécessité de répondre à l’enjeu de la gestion des déchets qui apparaît finalement prioritaire en termes de volume. En couplant la dépose soignée et le tri à la source lors de nos chantiers nous améliorons l’impact environnemental de l’opération.

Les contraintes sont multiples mais nous préférons les voir comme des opportunités. Sur le volet assurantiel par exemple, le dossier de validation nécessite une recherche documentaire poussée qui questionne et met à profit le maître d’ouvrage. Si récupérer les fiches techniques des matériaux est plutôt un chemin de croix, c'est aussi l’occasion de sensibiliser, d’échanger voire de convaincre les acteurs de la chaîne de valeur à passer d’une logique déchet à une logique ressource. En terme opérationnel, la dépose soignée n’est pas du tout naturelle sur un chantier de démolition, il est important de bien phaser les étapes. Pour en avoir fait l’expérience, nous avons pu nous rendre compte que l’adrénaline générée par l’activité de déconstruction n’est pas compatible avec la concentration nécessaire pour déposer soigneusement des éléments. Une organisation efficace serait de réaliser l’ensemble des déposes des éléments à préserver puis d’attaquer la déconstruction sélective (par flux), mais la réalité terrain est souvent tout autre.

Étape 5 : Suivi administratif

Il s’agit ici de compiler les attestations (factures, dons, transfert de propriété, bordereaux, etc.) et transférer les fiches ressources du diagnostic PEMD aux repreneurs.

  • Ce suivi est indispensable d’un point de vue juridique (transfert de propriété des éléments réemployés et responsabilité jusqu’à élimination des déchets)

  • Il facilite également la qualification des éléments lors de leur réemploi sur un autre projet (traçabilité)

Étape 6 : Suivi des objectifs

Il s’agit ici de calculer les indicateurs de réemploi à partir des informations transmises par l’entreprise de curage

  • Ce suivi est indispensable en phase chantier et servira en phase bilan dans une logique de partage d’expérience et d’amélioration continue des processus

  • Il peut prendre la forme d’un tableau permettant de suivre, par lot, les indicateurs suivants : objectif en masse (%) ; masse totale estimée dans le diagnostic PEMD (t) ; objectifs de réemploi ex-situ en masse (t) ; taux de réemploi ex situ en masse (t)

Étape 7 : Renseignement du formulaire CERFA de récolement du PEMD

Il s’agit ici de compléter le formulaire CERFA et de le partager via la future plateforme du CSTB du diagnostic PEMD (à partir de mi 2022). Ce récolement ne doit pas être vécu comme une contrainte réglementaire mais comme un moyen de préciser votre stratégie et vos objectifs bas carbone.

Étape 8 : Bilan et retour d’expérience

Il s’agit ici de capitaliser sur les retours d’expérience et les partager à la communauté.

  • Ce bilan doit à minima préciser les matériaux réemployés (types, quantités, domaines d’emploi).

  • Ce bilan peut intégrer un volet économique, environnemental et social dans une approche globale et détaillée par matériaux.

  • Ce bilan peut faire l’objet d’une publication sur la carte des projets réemploi dans le bâtiment en Normandie.